Etat de siège

Jeudi 6 novembre 2014.
J'ai rendez-vous pour ma troisième - et à priori dernière - échographie. Comme à chacune d'entre elles, j'ai le sourire jusqu'aux oreilles à l'idée de voir et entendre mon cher Locataire.
C'est là où pour la première fois, j'entend parler de sa position "en siège". Je sais bien ce que c'est évidemment, pas plus. Pas moins.


Lorsque l'échographe me l'a annoncé de son ton monotone - entre la taille de son fémur et celle de son crâne - ça m'a presque fait sourire de l'imaginer installé confortablement, les jambes en tailleur comme ça:

Pareil, mais in utero !

J'y connaissais pas grand chose sur cette particularité et le doc n'a pas non plus été très éloquent sur le sujet. Il a même été pas éloquent tout court, quelque soit le sujet.
Tout allait bien, là était le plus important. Et puis, il avait quand même largement le temps de faire un plongeon tête en bas, mon Locataire!

Le lendemain: vendredi 8 novembre 2014.
Rendez-vous avec ma Gygy.
L'information de cette posture retient toute son attention. Ça me surprend presque: c'est la première fois depuis que je la consulte qu'elle s'intéresse particulièrement à mon cas! Disons plutôt que c'est la première fois que je le perçois chez elle.
Elle m'informe que je dois prendre rendez-vous avec la maternité où je souhaite accoucher, en précisant bien cet état de fait, et il sera alors temps de voir, à ce moment-là, ce qu'il possible de faire. Elle me cite - l'air de rien - manœuvre externe, acupuncture. Entre autres.

Un léger sentiment d'inquiétude m'envahit mais elle y met fin rapidement lorsqu'elle remarque que le Locataire est passé de "dos-à-gauche" à "dos-à-droite" depuis la veille. "Il bouge bien ce bébé-là !", me dit-elle. "Il a largement la place de se retourner", poursuit-elle, "il le fera certainement avant le terme."

Je lui fais confiance. Elle était loin d'être stressante ou alarmiste. Je suis son avis et prend rencard avec la Mat'.
Certes, j'aurais bien d'autres questions à lui poser mais après avoir poireauté plus d'une heure dans sa salle d'attente - retard presque habituel - sur une chaise qui m'a vrillé le dos, je n'ai qu'une envie: m'affaler sur mon canapé ! De toutes façons, elle a déjà une main sur la poignée de la porte, et me tend l'autre, me poussant à prendre congés.

Jeudi 20 novembre 2014.
Je rencontre pour la première fois la Gygy de la Maternité. Elle me semble tout de suite sympathique et à l'écoute. Bien plus, en tout cas, que celle qui m'a suivie durant toute ma grossesse !
Elle prend bien sûr le temps de lire mon dossier, de me poser les questions habituelles (antécédents familiaux, traitements en cours etc...) et de me demander comment je me sens, en écoutant même attentivement ma réponse !
Elle m'examine.
En 3 semaines, le Locataire n'a apparemment pas daigné se retourner. Pas comme on le souhaitait en tout cas. Il a toujours effrontément sa tête sous mon diaphragme !

Cette fois-ci, je ne sourirai pas à cette évocation.

Je me prend en pleine gueule les conséquences qu'engendre sa position "en siège": la possibilité d'un accouchement par voie basse en siège et les risques que cela comporte ; l'évocation (pour la première fois!) d'une césarienne si certains facteurs - bien indépendants de ma volonté tels que la position de sa tête, du cordon ou son poids - et puis cette fameuse "manœuvre externe". Celle-là même qu'avait bien vaguement envisagée ma Gygy habituelle, sans m'en dire plus.
Je découvre alors ce que sous-entend précisément cette manœuvre ou version: je serai hospitalisée, sous monitoring constant et un médecin tentera de retourner manuellement le bébé. Ce sera très désagréable voire douloureux. Il n'y a qu'un faible pourcentage de réussite et quel qu’en soit le résultat, je serai sous surveillance, pendant 1 à 2 heures après ça.
Et le plus inquiétant - selon moi - ce procédé peut provoquer contractions et donc un accouchement prématuré, bien qu'à terme, 1 mois avant la date prévue.

J'essaye de digérer toutes ces informations, mais le dernier point me pèse vraiment sur l'estomac. Pourtant, la doctoresse est loin d'être inquiétante, au contraire elle fait tout pour me rassurer, mais elle est simplement franche.

Je dois prendre une décision. "Alors, on prend rendez-vous pour la version?", me demande-t-elle. Je peux la refuser. Je suis toute seule. Je ne sais pas quoi faire.

J'accepte.

La version est programmée.
Bon, le Locataire: on a encore presque 2 semaines pour que tu fasses le roulé-boulé de la dernière chance! Je reprend confiance.
Séances d'acupuncture avec une sage-femme - et je te passe les détails du parcours du combattant que je me suis tapée pour en pécho une en quelques jours - rendez-vous avec mon ostéo, positions diverses et variées pour laisser le maximum de place au Locataire...

Je tente le tout pour le tout!
Bon, j'avoue, hormis la position du "pont indien", apparemment bien connue du corps médical, mais que mes lombaires m'ont interdit:

Très confortable, vu comme ça...

Mais rien n'y fait. Je ressens toujours les coups de pieds violents délicats du Locataire dans mon bas-ventre et la dernière séance avec la sage-femme me le confirme: il garde obstinément la même position en siège...

La version a lieu demain. Je m'y rendrai seule.
Et là, pendant que je prépare ma valise "au cas où", je ne peux m'empêcher de m'angoisser.
J'ai peur. Je ne suis pas prête. Et pourtant, j'ai tellement hâte de rencontrer mon Locataire !
Mais non, pas maintenant. C'est trop tôt.

Peut-être que demain, l'échographie me montrera - enfin - une jolie tête qui pointe vers le bas?
Et peut-être que, si ce n'est pas le cas, la tentative va parfaitement se dérouler et ne délogera pas le Locataire de son studio douillet?

Mais peut-être aussi que demain, je deviendrai Mummy à nouveau. Et même si je ne suis pas tout à fait prête à l'accueillir - que ce soit psychologiquement ou matériellement - ce lundi 1er décembre deviendra de toutes façons l'autre plus beau jour de ma vie...

Moit' - moit'

Commentaires

Articles les plus consultés